Majeure et inédite, la crise sanitaire provoquée par le Coronavirus (Covid-19) bouleverse en profondeur nos habitudes de vie, nos certitudes mais aussi nos valeurs individuelles et collectives. "Crise intérieure" vise à permettre à chaque personne - confinée ou non, seule ou entourée, en campagne ou en ville - de partager son expérience singulière et subjective.
Chaque témoignage reflète un ensemble de réflexions et d'émotions exprimées à un instant T. Ici, on ne juge pas les peines, on ne se moque pas des joies, on ne compare pas les situations. On se contente simplement de les recueillir et de les accueillir.
Texte écrit par Michel Coudier, professeur d'histoire à la retraite.
Juin 1940. Défaite de l'armée française face à l'agression nazie, laquelle déboucha - comme chacun peut l'apprendre - sur un abandon des principes démocratiques par le gouvernement du maréchal Pétain en zone non occupée au prétexte que le malheur de nos armées avait pour cause l'esprit de jouissance et la haine de classe.
Non pas qu'il faille comparer un état de guerre authentique avec une crise sanitaire majeure. Celle-ci est pourtant assimilée à une guerre par la tête de l'exécutif contre un ennemi invisible, le Covid-19 (qui n'est toutefois pas corrézien) nécessitant en l'état de nos moyens et connaissances un confinement des populations.
Je ne peux m'empêcher d'établir un parallèle lointain entre l'impréparation de notre système de santé - soumis depuis longtemps à des impératifs financiers - et celui de l'armée française, en 1940, affaiblie par bien des coupes budgétaires sans que le public n'en sache rien. Ce dernier était d'ailleurs rassuré de manière tout à fait illusoire par la construction d'une ligne de défense présentée comme inexpugnable et manifestant, après coup, la courte vue de nos stratèges et personnels politiques à quelques exceptions près.
À l'occasion de l'événement qui nous concerne tous aujourd'hui, un effort tout particulier est demandé à la nation désignée comme telle. Les termes d'Union Nationale et même d'Union Sacrée ont été prononcés par le Président de la République qui s'étourdit de mots face à une menace bien réelle. Surtout pour lui car la Nation, elle, y survivra.
La surenchère dans les propos et les menaces à l'encontre des éventuels contrevenants au nouvel ordre institué apparaît disproportionnée, comme si son auteur avait le désir non avoué d'utiliser le pouvoir magique des mots pour se dédouaner de ses propres responsabilités.
Tous les personnels - plus ou moins gradés mais tous aussi indispensables - du système sanitaire français étaient prêts mais, depuis un an, ils dénonçaient avec force la tension insupportable que subissait l'hôpital public.
Les personnels de ce secteur lançaient l'alerte, ils n'étaient plus en mesure de fournir la qualité des soins nécessaires à la hauteur des attentes dans un pays considéré comme riche. Le tout tenait grâce à l'engagement extrême des personnes qui le portaient à bout de bras, au détriment de leur propre santé et sans reconnaissance véritable.
En ces jours d'activité extra-ordinaire, ils sont en danger tout autant que leurs patients. L'économie générale tourne au ralentit sauf pour les activités vitales. Les promesses d'équipements pour les soignants et autres engagés dans la vie économique et sociale tardent à se réaliser. Et que nous promettons-nous d'autre de manière, cette fois, effective et législative ? Une dérogation par la loi du droit du travail au nom du maintien et de la reprise future des activités économiques.
Déjà des lendemains qui déchantent en ces jours difficiles. « Ils » ont donc la ferme intention de revenir à l'état antérieur de la course à la croissance - comme si elle était infinie - alors même que, comme chacun peut en prendre conscience, cette pause de l'activité humaine fait un bien fou à notre environnement et donc à nous-même.
S'il est certes impossible de maintenir en l'état le ralentissement, il devrait en revanche être possible de ne pas redémarrer sur les « chapeaux de roues », sauf à vouloir contenter à nouveau ceux qui attendent en retour les dividendes de leur capital.
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